Information due par le vendeur et les intermédiaires lors d’un investissement immobilier défiscalisé
Dans le cadre d’une opération de défiscalisation proposée par une société de conseil en patrimoine, un particulier achète un appartement dans une résidence de tourisme et consent un bail commercial à une société d’exploitation. Cette dernière est mise en redressement judiciaire un an plus tard et la résidence est reprise par un autre locataire exploitant, mais avec des loyers plus bas. L’acheteur réclame alors des dommages-intérêts au promoteur-vendeur, à la société qui a commercialisé le bien et à la société de conseil en patrimoine.
1o L’acheteur soutient qu’en lui garantissant la rentabilité de l’investissement immobilier défiscalisé, qui était déterminante de son consentement, le promoteur-vendeur a commis un dol. La cour d’appel d’Aix-en-Provence écarte ce reproche : les mentions de la plaquette commerciale ou du contrat de réservation ne garantissaient pas un quantum de rentabilité de l’opération, ni la pérennité du locataire commercial, mais uniquement la rentabilité du projet pris dans son ensemble ; le bail commercial, compris dans ce projet, comportait nécessairement un aléa que l’investisseur, exerçant la profession d’actuaire, était en mesure d’appréhender ; celui-ci ne démontrait pas que le promoteur-vendeur connaissait la situation obérée de la société devenue locataire.
La Cour de cassation censure cette décision. En effet, il incombe au vendeur, tenu d’informer l’investisseur, même averti, des risques liés à l’achat d’un bien immobilier entrant dans un programme de défiscalisation, de justifier qu’il a exécuté cette obligation, sans s’être tu sur ceux qui y sont associés. Or, la cour d’appel n’avait pas relevé que le promoteur-vendeur avait donné à l’investisseur une information sur l’existence de risques inhérents à l’opération projetée, dont la rentabilité était annoncée comme garantie.
2o La cour d’appel écarte aussi la mise en cause de la société de conseil en patrimoine et de celle qui a commercialisé l’appartement pour manquement à leur obligation de conseil et d’information : le lien de causalité n’était pas établi entre le défaut d’information sur les aléas de l’investissement tels que la possible défaillance de l’exploitant et la diminution des loyers perçus auprès d’un second locataire, dans la mesure où rien ne permettait de supposer que l’investisseur n’aurait pas souscrit l’engagement pris s’il avait reçu cette information ; puisqu’il invoquait une tromperie dont il se disait victime concernant la bonne situation financière de la société locataire, il s’en déduisait que l’emprunteur avait conscience de l’aléa, que sa profession d’actuaire en faisait un spécialiste du risque et qu’il est aisé de comprendre qu’un montage de défiscalisation comporte un risque lié à la conclusion d’un bail.
Nouvelle censure de la Cour de cassation : il ne ressortait pas de ces éléments que les sociétés, intervenues dans la réalisation de l’opération globale de défiscalisation, avaient dispensé à l’investisseur une quelconque information, même adaptée à son degré de connaissance et à sa situation.
À noter : Nouvelle illustration du contentieux occasionné par un investissement immobilier défiscalisé. Ici était en cause, non pas l’absence d’obtention du régime fiscal de faveur applicable à l’opération, mais la rentabilité de celle-ci, à la suite d’un changement d’exploitant de la résidence de tourisme concernée. Un manque d’information de l’investisseur sur l’un des aspects voire les fausses informations communiquées à celui-ci peuvent justifier une annulation de l’achat pour vice du consentement, notamment, pour erreur (l’investisseur s’est trompé) ou pour dol (l’investisseur a été trompé ; cf. C. civ. art. 1130 s.). Par exemple, a été annulé pour dol l’achat :
- d’un appartement dans le cadre d’un investissement locatif, le promoteur et ses commerciaux ayant assuré à l’acheteur l’existence d’une forte demande locative et d’un rendement à court terme, alors qu’ils savaient le marché locatif local saturé (Cass. 3e civ. 7-4-2016 no 14-24.164 F-D) ;
- d’un appartement relevant de la seconde tranche d’un immeuble en l’état futur d’achèvement qui devait bénéficier d’une mesure de défiscalisation car le vendeur et la société ayant commercialisé le bien avaient sciemment gardé le silence sur la déconfiture de l’exploitant de la première tranche et sur le risque de perte par l’immeuble de son classement en résidence de tourisme (Cass. 3e civ. 23-9-2020 no 19-12.219 F-D).
L’arrêt commenté donne l’occasion à la Cour de cassation de préciser le contenu de l’information que le vendeur de l’immeuble doit délivrer à l’investisseur même s’il n’est pas un profane. Rappelons que, si l’investisseur s’est trompé, son erreur doit être excusable pour être considérée comme un vice du consentement (C. civ. art. 1132), ce que les juges apprécient au regard des compétences de l’intéressé, alors que l’erreur causée par un dol est toujours excusable (art. 1139), de sorte que le caractère profane ou averti de l’intéressé est sans incidence.
Ce nouvel arrêt rappelle aussi que les autres intervenants à l’opération d’investissement immobilier défiscalisé (conseil en gestion de patrimoine, agent immobilier, société de commercialisation…) sont également tenus, à l’égard de l’investisseur, d’une obligation d’information et de conseil éventuel sur les caractéristiques de l’investissement proposé, sur les choix à effectuer et sur les risques, notamment d’échec de la défiscalisation (Cass. 1e civ. 17-6-2015 no 13-19.759 F-D ; Cass. 3e civ. 29-10-2015 no 14-17.469 FS-PB) ou de non-perception des loyers en cas de défaillance du locataire commercial (Cass. 1e civ. 2-10-2013 no 12-20.504 P).
Cass. 3e civ. 16-3-2023 n° 21-25.984 F-D
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